Les compositions d’Aurélie Brame peuvent associer des planches d’anatomie à des photographies issues de magazines, des éléments culinaires ou des textures à la physionomie quelque peu organique et semblable à des étoffes de chair. S’appuyant sur le principe du collage et de l’assemblage dans une sorte de filiation plurielle avec le surréalisme, le Pop art, la nature morte ou d’autres références de l’histoire de l’art, sa pratique consiste précisément à amalgamer des motifs issus d’univers iconographiques disparates. Il en résulte une esthétique relativement dense, où les formes perdent leur identité première et s’enlacent mutuellement, initiant une dynamique globale qui parfois fait appel à des imaginaires fantastiques. Dans certains cas, les éléments composites se détachent d’un fond uni et généralement blanc, ce qui a pour effet d’empêcher toute contextualisation, et donc d’inscrire ce travail dans un cadre de recherche picturale vouée à l’abstraction.
Si le caractère organique de ces compositions favorise une impression de mouvement et de vitalité, certaines d’entre elles permettent également d’entrevoir une disposition organisée, un peu comme le serait un corps biologique ou une machine. On observe en effet des configurations qui ne sont pas sans rappeler des coupes transversales, des vues schématiques, telles qu’on en voit dans les manuels de sciences naturelles ou d’anatomie. Surtout, on a le sentiment d’assister à une mécanique physiologique où chaque élément serait destiné à interagir avec son voisinage tout en conservant une relative autonomie. Il se produit alors une forme d’équilibre ou de justesse picturale, ne serait-ce parce que la pratique du collage, en tant que quête visuelle, vise précisément à associer des éléments non pas de façon aléatoire, mais de façon à enclencher une configuration d’ensemble.
En cela, sans doute peut-on avancer que l’une des perspectives inhérentes à ce travail consiste à favoriser un mouvement de recomposition de la continuité à partir de la discontinuité. Aussi, parce que les physionomies organiques supposent des formes fragmentées qui donc s’enchevêtrent, des formes qui miment les mouvements de matières inhérents au règne du vivant, une notion de pli peut être mise en avant afin de caractériser ces dynamiques d’assemblage. Un tel pli se percevrait ici comme l’élan pictural susceptible d’engager des configurations nouvelles à partir d’un matériau préalable, sans que ne soit réellement écarté ce même matériau dans la restitution finale. On relève alors, ainsi que le rappelle Aurélie, l’importance dans son travail de toujours partir d’un antécédent, d’une matière première qu’il est alors question de plier par collages et assemblages successifs. On constate également la présence régulière de représentations de drapés, d’étoffes, parfois même de rides. Pareillement, observer ces compositions à l’aune de cette notion de pli permettrait de mieux se rendre compte que les éléments parfois paraissent se rabattre sur eux-mêmes, quand d’autres fois, on peut être tenté de discerner la formation d’espaces défiant toute logique, comme si le geste de plier provoquait la mise en mouvement de dimensions intermédiaires. Enfin, si le pli décrit un acte de transformation, on peut dire du travail d’Aurélie Brame qu’il consiste à passer d’une réalité visuelle à une autre, une réalité différente qui toutefois reste inconnue de l’œil humain et prête donc à des divagations sensorielles. Les univers presque oniriques auxquels nous assistons sont justement enclins à ces digressions, quand il est toujours surprenant de se rendre compte qu’il ne s’agit rien de moins que de plier et déplier le réel.
Julien Verhaeghe, 2017
Aurélie Brame’s compositions combine anatomical drawings with images from magazines, culinary elements or textures with a somewhat organic physiognomy that are similar to fabrics of flesh. Relying on the principles of collage and assembly in a kind of plural filiation with Surrealism, Pop art, still life and other art history references, her practice consists precisely of amalgamating motifs from disparate iconographic universes. The result is a relatively dense aesthetic, in which the forms lose their original identity and intertwine with each other, initiating an overall dynamic that sometimes involves imaginary fantasies. In some cases, the composite elements are detached from a plain and generally white background. This prevents any contextualization, and thus puts this work into a framework of pictorial research devoted to abstraction.
If the organic quality of these compositions fosters an impression of movement and vitality, certain compositions also allow the viewer a glimpse of an organized arrangement, much like a biological body or a machine. In fact, there are configurations which are reminiscent of transverse planes, schematic views, as seen in science or anatomy textbooks. Above all, one has the feeling of witnessing a physiological mechanism where each element is destined to interact with its neighbor while maintaining a relative autonomy. A form of pictorial equilibrium or pictorial accuracy occurs, if only because the practice of collage, as a visual quest, is precisely aimed at associating elements, not randomly, but in such a way as to trigger an overall configuration.
Therefore, without a doubt, it may be argued that one of the inherent perspectives of this work is to promote a movement of re-composition of continuity starting out of discontinuity. Also, because the organic physiognomies assume fragmented forms which are thus entangled, forms that mimic the movements of materials inherent in nature, the notion of folding can be put forward in order to characterize these dynamics of assembly. Such a fold would be perceived here as the pictorial impulse capable of engaging new configurations from a preliminary material, without actually removing this same material in the final restoration. As Aurelie reminds us, it is essential in her work to start from an antecedent, a raw material that is then manipulated through a series of collages and assemblages. There is also a regular presence of draped representations, fabrics, sometimes even wrinkles. Similarly, observing these drawings in light of this idea of folding would make it possible to better realize that the elements sometimes seem to fall back on themselves, when in other compositions, one may be tempted to discern the formation of logic-defying spaces, as if the gesture of folding caused the movement of intermediate dimensions.
Finally, if the fold describes an act of transformation, it can be said that Aurelie Brame’s work consists of passing from one visual reality to another, a different reality however, which remains unknown to the human eye and is therefore ready for sensory flights of fancy. The almost dreamlike universes we are witnessing are justly prone to these digressions, when it is always surprising to realize that it is nothing less than the folding and unfolding of reality.
Translation by Kaleigh Johnson